Thierry Ardisson comme vous ne le connaissez pas : vie et œuvre d'un monstre de la télévision française
On a du mal à le croire, tant la figure de Thierry Ardisson semble familière dans le paysage audiovisuel français, mais le célèbre présentateur vêtu de noir a fêté ses 73 ans le 6 janvier. Redécouvrons ensemble le parcours et les frasques d’une icône de la télévision.
Né en 1949, le jeune Thierry Ardisson commence sa carrière comme DJ dans une boîte de nuit de Juan-les-Pins, sur la côte d’Azur. Il racontera des années après avoir été initié aux psychotropes par un milliardaire, lors d’un voyage à Bali avec sa première femme Christiane dans les années 1970.
Comme tous les jeunes ambitieux de l’époque, Ardisson s’installe à Paris pour y tenter sa chance. Il débute dans la publicité et travaille dans plusieurs agences avant de fonder la sienne, Business, en 1978. On lui doit l’apparition du clip de huit secondes qui permet à des entreprises au budget modéré de faire leur publicité à la télévision, mais aussi l’invention de slogans qui ont marqué les consommateurs français.
Après avoir rejoint la direction des rédactions du groupe Hachette, il prend la direction du titre « L’Écho des savanes », qu’il rebaptise un temps « L’Ebdo des savanes ». Fondée en 1972 par les dessinateurs Claire Bretécher, Gotlib et Nikita Mandryka, cette revue de bande-dessinée s’adressait à un public adulte. Une expérience de courte durée pour Ardisson.
En 1980, le jeune loup de la publicité interviewe Yannick Noah. Il fait des révélations fracassantes sur ce tennisman et sur le dopage dans le monde du sport. Un scandale retentissant qui lui permet d’être invité pour la première fois à la télévision.
En 1985, Thierry Ardisson présente sa première émission sur TF1, Descente de police, dans laquelle les personnalités invitées subissent un interrogatoire brutal, à l’image des interrogatoires de police. La diffusion est interrompue par la Haute Autorité de l’audiovisuel, mais Ardisson, soutenu par la direction, poursuit sa carrière sur la première chaîne avec de nouveaux formats.
En 1986, la vedette de la télévision écrit « Louis XX — Contre-enquête sur la Monarchie », qui connaît un grand succès de librairie. Il y défend l’héritage de la royauté française et soutient un modèle de monarchie constitutionnelle tel qu'il existe dans d’autres pays d’Europe. Ardisson défend ces idées à contre-courant dans « Apostrophes », l’émission littéraire de Bernard Pivot. Pour l'anecdote, le duc d'Anjou, prétendant au trône de France, est le parrain de sa fille.
De 1987 à 1988, Ardisson produit l’émission Face à France, où une personnalité du show-biz fait face à un panel de français sélectionnés selon des critères de représentativité par un institut de sondage. Il présente par ailleurs Bains de minuit depuis la célèbre discothèque Les Bains Douches, dans le 3e arrondissement de Paris, où toutes les stars françaises et mondiales se pressent dans les années 1980.
Thierry Ardisson est à l’origine du concept d’interview formatée, des entretiens où les questions suivent une thématique précise. Il crée également l’auto-interview, dans laquelle l’invité s’interroge lui-même. Tous ces concepts sont utilisés dans l’émission « Lunettes noires pour nuits blanches », qu’il présente sur Antenne 2 de 1988 à 1990, et seront repris tout au long de sa carrière.
De 1991 à 1993, Ardisson présente depuis Les Folies Bergères « Double jeu » sur Antenne 2, qui devient France 2. L’émission alterne interview et jeux, avec des séquences formatées comme « Info ? Intox ? », dont le nom est devenu une expression courante. C’est le début du duo qu’il forme avec Laurent Baffie, positionné en faux cadreur, qui multiplie les interventions provocantes tout en présentant Ze Baffie Show, une série de micro-trottoirs et de caméras cachées.
Après quelques années de passage à vide et d’échecs commerciaux, Thierry Ardisson se relance en 1997 en présentant l’émission Rive droite / Rive gauche sur Paris Première. Il s’agit du premier programme culturel quotidien de l’histoire de la télévision française, co-animé par des spécialistes de chaque domaine, comme Frédéric Beigbeder pour la littérature ou Philippe Tesson pour le théâtre.
À partir de 1998, celui qui est l’un des présentateurs les plus connus de France anime « Tout le monde en parle », où il reforme son duo avec Laurent Baffie. Dans ce talk-show, Ardisson reçoit des personnalités de la politique, du show-biz et du sport. Un format qui préfigure « On n’est pas couché », l’émission de Laurent Ruquier qui remplace « Tout le monde en parle » en 2006.
Avec ses nombreux clashes, ses phrases-culte et ses interviews thématiques, « Tout le monde en parle » marque la télévision française pendant près d’une décennie. Le concept s’exporte à l’étranger (Québec, Algérie, Liban…). Dans Libération, Daniel Schneidermann décrit l’émission comme une « œuvre audiovisuelle majeure » et ajoute : « Philosophes, ministres, anciens ministres (…) pour tout auteur, un passage chez Ardisson faisait miroiter la promesse des plus étincelants succès. Pas question de s'attaquer aux mots d'Ardisson, au pouvoir d'Ardisson, à l'évidence Ardisson, et plus précisément à la longue influence d'Ardisson sur le débat public. »
En 2006, Ardisson doit quitter France 2 à cause d’une clause d’exclusivité imposée par sa direction. Il passe sur Canal+ où il présente Salut les Terriens !, qui reprend l’invitation de célébrités venues faire leur promotion, les émissions et les quizz. Les humoristes Gaspard Proust et Stéphane Guillon en sont des chroniqueurs réguliers, tout comme l’éternel Baffie. L’émission passe sur C8 en 2016 et prend fin en 2019.
L’homme de télévision fait aussi un passage à la radio : en 2014, il rejoint l’émission « Les Grosses Têtes » sur RTL, présentée par Laurent Ruquier.
Parallèlement à sa carrière de présentateur, Thierry Ardisson s’est lancé dans la production cinématographique. Il produit un premier long-métrage, « Max », en 2012, dans lequel jouent Joey Starr et Mathilde Seigner. Trois ans plus tard, il récidive avec « Comment c’est loin », le film du rappeur Orelsan.
En 2020, une séquence vidéo datant des années 1990 est révélée, dans laquelle Ardisson plaisante avec Frédéric Beigbeder et Gabriel Matzneff à propos de relations avec des mineures. Par ailleurs, il a reconnu avoir commis des plagiats et a déjà été condamné pour diffamation.
Icône déchue de la télévision des décennies passées ou homme de scène capable de se réinventer en permanence ? Malgré son âge, rien ne dit que Thierry Ardisson ait renoncé à surprendre une nouvelle fois le public. Ses admirateurs comme ses détracteurs ont toujours reconnu sa capacité à marquer de son empreinte le monde du petit écran.