Pourquoi les islamistes de Daech détestent-ils les talibans ?

Le groupe radical de l'État islamique, mieux connu sous l'acronyme ISIS (ou Daech), a déclaré la guerre aux talibans. Il les considère comme des traîtres et a commencé ses attaques. Les bombes qui ont tué des dizaines de personnes à l'aéroport de Kaboul en plein milieu d'une évacuation étaient les leurs. Les Talibans (photo), qui contrôlent aujourd'hui l'Afghanistan, sont confrontés à un ennemi avec lequel, à première vue, ils semblent avoir beaucoup en commun. Mais pourquoi l'État islamique déteste-t-il les talibans ?

L'État islamique a accusé les talibans de trahison pour avoir négocié avec les États-Unis le retrait des troupes internationales d'Afghanistan. Pour eux, il n'y a que la possibilité de se battre sans faire de concessions. Les talibans ont toutefois opté pour le pragmatisme lorsque Trump (et plus tard Biden) leur a proposé une sortie négociée qui signifiait en fait leur remettre le pays.

Les talibans et l'État islamique interprètent l'islam de manière rigoriste à l'extrême. Et ces deux groupes appartiendraient à la branche sunnite de l'islam (par opposition à la branche chiite).

Les talibans visent à imposer leur idéologie sur leur territoire national, tandis que l'État islamique aspire à une sorte de "révolution mondiale" et dépasse les frontières. Les Talibans sont profondément afghans, l'État islamique vise à transcender l'Afghanistan.

En effet, on soupçonne que les principaux dirigeants d'ISIS en Afghanistan pourraient être des guerriers exilés des batailles perdues en Syrie et en Irak. Ils comptent dans leurs rangs des Afghans, mais aussi des Pakistanais et des djihadistes d'autres régions du monde.

Détail important : si les talibans sont généralement des Pachtounes (le principal groupe ethnique d'Afghanistan), ISIS a réussi à recruter des militants issus d'autres groupes ethniques afghans. Le califat que l'État islamique veut imposer n'accepte pas les frontières nationales ni les identités tribales. À condition d'être sunnite, évidemment.

Un autre facteur que certains analystes ont désigné comme un élément de confrontation entre Daech et les Talibans est la (relative) bienveillance de ces derniers envers la communauté chiite afghane. Le fait qu'il n'y ait pas eu d'attaque des talibans contre les chiites à Kaboul pendant l'Achoura (photo) a été perçu comme un geste de conciliation intolérable.

Les Talibans ont l'intention de construire un Afghanistan à leur mesure, mais pas de s'étendre au-delà de leurs frontières. Ils se sont même engagés à ne pas aider les groupes terroristes opérant à l'étranger. L'État islamique trouve cette position inacceptable.

Le mécontentement découle également, selon certains experts, du recrutement par l'État islamique d'anciens combattants talibans dans ses rangs. Il s'agirait de combattants très radicaux qui considèrent que les talibans sont trop modérés.

Dans tous les cas, l'État islamique est numériquement beaucoup plus petit que les Talibans. Le nombre de leurs combattants n'est pas négligeable : on estime qu'ils pourraient être environ 3 000.

Bien que la violence perpétrée par les talibans soit du plus haut niveau, certains affirment que l'État islamique va plus loin : par exemple, l'attaque qui a tué 38 personnes dans l'un des plus grands hôpitaux de Kaboul en 2017. Mais ce n'est pas tout.

Selon la BBC, les services de renseignement américains en Afghanistan ont enregistré des attaques d'ISIS contre des mariages, des écoles de filles et même une maternité où des femmes enceintes et des nouveau-nés ont été abattus.

Les milices de cette organisation sont principalement présentes dans les régions de Konar et de Nangahar (photo), mais elles ont démontré leur capacité à mener des attaques dans d'autres parties du territoire.

Et puis il y a Al-Qaïda, une organisation bien plus réduite depuis la capture et la mort de Ben Laden, mais qui opère toujours en Afghanistan. Ses relations avec ISIS ne sont pas bonnes non plus. Leurs méthodes et leurs objectifs immédiats ne coïncident pas.

Les talibans vont donc devoir faire face à un ennemi auquel ils ne s'attendaient pas : l'État islamique d'Afghanistan (appelé ISIS-K).

Et, dans ce feu croisé entre factions islamistes radicales, il y a le paradoxe que, selon certains rapports, les États-Unis et les talibans pourraient avoir collaboré pour éliminer des éléments de l'État islamique. Et certains spéculent qu'une telle collaboration (même si les Talibans sont également l'ennemi des États-Unis) pourrait se poursuivre, car le danger de l'État islamique représente une menace internationale majeure.

Pour l'instant, les Talibans ne peuvent donc même pas promettre la paix et l'ordre dans l'Afghanistan qu'ils contrôlent. Ils auront l'État islamique (et d'autres groupes armés opposés) dans leur ligne de mire, et la violence ne s'arrêtera probablement pas.

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