Tout comprendre à l’affaire Patrick Balkany, condamné à la prison ferme
Concernant le blanchiment de fraude fiscale, second volet de l’affaire éponyme, les époux Balkany ont été informés de la date de leur prochain procès, qui sera renvoyé au 25 octobre 2022, notamment à cause de l’hospitalisation d’Isabelle Balkany. Reconnus définitivement coupables des faits reprochés, ils seront rejugés en cassation, concernant la lourdeur de leurs peines. Cette procédure n’a en revanche rien à voir avec la sentence prononcée à l’égard de Patrick Balkany, qui a été réincarcéré lundi 7 février, après la révocation du bracelet électronique des deux époux.
L’ancien maire de Levallois-Perret a déjà été emprisonné une première fois entre septembre 2019 et février 2020, après avoir été condamné avec son épouse Isabelle pour fraude fiscale, puis pour blanchiment aggravé. Patrick Balkany dort désormais dans la prison de Fleury-Mérogis.
Les époux Balkany ont été placés sous bracelet électronique le 3 février 2020. Mais cette décision a été révoquée suite à une centaine d’incidents de sonnerie du bracelet, mais aussi et un peu de désinvolture selon Pierre-Olivier Sur, l’avocat du couple, dans Mediapart. Selon lui, ils n’ont pas le droit de sortir de la maison, mais quand le chien sort, ils courent après, quand le facteur passe, ils vont au portail. Mais selon des connaissances de Patrick Balkany, interrogées par l’AFP, le couple a été vu plusieurs fois ces dernières semaines, entre autres au marché et au club de basket de Levallois-Perret.
Par ailleurs, les emportements d’Isabelle Balkany face au juge d’application des peines ou de la conseillère du service de probation et d’insertion ont largement pesé sur la décision d’incarcération ferme. Le couple n’a fourni non plus aucun effort pour régler sa dette de plus de 5 millions d’euros au fisc.
Si Patrick Balkany espérait échapper à la prison à cause de son état de santé, ce dernier a en réalité été pris en compte dans cette décision. La prison choisie pour l’ancien maire, permettrait d’avoir un suivi médical vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Quant à Isabelle Balkany, elle est toujours hospitalisée après sa tentative de suicide, jeudi 3 février. Elle devrait pourtant, elle aussi, se retrouver derrière les barreaux. Patrick Balkany fait savoir qu’il portera plainte contre le juge et le procureur pour mise en danger de la vie d'autrui.
Certains faits pour lesquels sont condamnés les Balkany remontent aux années 1980. Mais "l’affaire Balkany" commence réellement en 2013. C’est à ce moment que le pôle financier du parquet de Paris, ouvre une instruction judiciaire pour "blanchiment de fraude fiscale" les concernant. Didier Schuller, ex-directeur de l’office HLM des Hauts-de-Seine, avait alors fait des confidences aux juges, concernant le patrimoine caché des Balkany, financé avec de l’argent occulte. Retour sur cette affaire qui mêle État, corruption, société écran et montages offshores.
L’élu et son épouse semblent effectivement vivre bien au-dessus des moyens qu’ils déclarent au fisc. Alors qu’ils gagnent officiellement 143 000 euros par an, les Balkany ont dépensé, en 2012, plus de 195 000 euros rien qu’en frais de rémunération d’employés à domicile.
L’enquête est donc élargie par les juges pour fraude fiscale aux déclarations de patrimoine de Patrick et Isabelle Balkany. Ils sont suspectés d’avoir sous-évalué certains de leurs biens : le moulin de Cossy, la villa Pamplemousse de Saint-Martin et la villa Dar Gyucy de Marrakech. Mais aussi d’avoir dissimulé des biens immobiliers et des avoirs offshore à l'administration fiscale française. D’après le calcul des magistrats instructeurs, le montant total des avoirs concernés est de 13 006 052 euros.
L’enquête est élargie de nouveau, en juillet 2014, cette fois pour des faits de corruption. Le Tracfin (Traitement du renseignement et action contre les circuits financiers clandestins), dénonce des virements bancaires et le versement de commissions sur des contrats à l’international, en Afrique, ainsi que sur des marchés publics passés à Levallois-Perret.
Tracfin révèle un mouvement financier suspect entre un industriel belge en République démocratique du Congo, George Forrest, et la société Himola Company Corp, basée au Panama. Le bénéficiaire économique de cette dernière n’est autre que Jean-Pierre Aubry, bras droit de Patrick Balkany à la mairie de Levallois-Perret. Deux virements de 2,5 millions de dollars - 3,6 millions d'euros au total à l'époque -, ont transité les 22 et 29 juin 2009 : soit juste avant l'achat soupçonné par le couple de leur riad marocain.
Le train de vie des Balkany semble incohérent avec leurs revenus, selon Tracfin. Patrick Balkany déclare par exemple 87 175 euros de revenus en 2012, contre 50 683 euros pour Isabelle. Cette année-là, les comptes de Patrick affichaient un solde positif de 375 000 euros, mais avec des mouvements atteignant 2 millions d'euros en crédit. Isabelle disposait de 325 000 euros, avec des mouvements allant jusqu'à 5,2 millions d'euros.
Leurs dépenses affichent par ailleurs des montants importants : 15 000 euros de décoration, prêt à porter ou courses au Maroc entre décembre 2008 et octobre 2009, ou 40 000 euros de décoration à Saint-Martin, en cinq ans. Les cartes bleues des Balkany affichent des débits jusqu'à 360 000 euros pour une année. Nous sommes donc bien loin des sommes déclarées par le couple.
Sur le papier, les résidences appartiennent à plusieurs sociétés situées en Suisse, au Panama et au Liechtenstein ou à la société Dar Gyucy, comme le révélé Tracfin aux enquêteurs. Les juges soupçonnent que les véritables propriétaires sont les Balkany, qui cacheraient ces résidences au fisc.
Placée en garde à vue en mai 2014, Isabelle Balkany reconnaît être propriétaire de la villa Pamplemousse à Saint-Martin (Antilles françaises), dissimulée derrière une société-écran fiduciaire au Liechtenstein. Depuis, la villa a été vendue.
Photo: Tropical Island Rentals
Octobre 2014 : Patrick Balkany est mis en examen pour "blanchiment de fraude fiscale", "corruption" et "blanchiment de corruption". Les juges lui interdisent "d'entrer en contact avec les autres protagonistes du dossier" afin qu’il ne puisse pas "quitter le territoire métropolitain" ni soustraire des éléments de preuve ou fasse pression sur des témoins à l'étranger".
L’immunité de Patrick Balkany est levée par le bureau de l'assemblée, le 18 mars 2015. Alors que le passeport de Patrick Balkany lui est retiré par la justice en mai 2015, Isabelle Balkany doit payer une caution d'un million d'euros pour ne pas être placée en détention.
La Haute Autorité pour la transparence de la vie publique conclut, en mai 2015 qu’il existe de "sérieux doutes quant à l’exhaustivité, l’exactitude et la sincérité de leurs déclarations de situation patrimoniale du fait de la sous-évaluation manifeste de certains actifs et de l’omission de biens mobiliers et immobiliers". La Haute Autorité décide donc de transmettre les dossiers des époux Balkany devant le procureur de la République financier.
Après les révélations de leurs mises en examen, l’association des Contribuables de Levallois-Perret estime que les élus Balkany n’ont plus "l’autorité morale nécessaire à leurs fonctions". Ils écrivent une lettre au ministre de l’Intérieur de l’époque, Bernard Cazeneuve, en mai 2015, pour lui demander de révoquer Patrick Balkany de sa fonction de maire de la commune de Levallois-Perret. Cette demande ne sera jamais prise en compte.
Les policiers français mènent une enquête au Maroc. Ils récoltent des éléments à charge dans la villa de Marrakech, dont la perquisition a permis de découvrir plusieurs objets marqués des initiales ou du nom de Patrick Balkany : peignoir, caisses de vin, livres dédicacés et un cahier à spirales avec le logo de la ville de Levallois-Perret. Les époux Balkany font appel des saisies pénales de biens, ordonnées par les juges instructeurs.
Les autorités suisses transmettent à la justice française, en septembre 2015, des documents prouvant que Patrick Balkany est le bénéficiaire direct d’une société off-shore et d’un compte non déclaré au Liechtenstein. Devant les questions des juges, ce dernier décide de garder le silence.
Patrick Balkany est mis en examen pour déclarations mensongères sur son patrimoine le 15 janvier 2016.
Après la découverte par les juges d'une nouvelle société immatriculée aux Seychelles, les époux Balkany sont mis en examen pour blanchiment de corruption et fraude fiscale aggravée, le 20 octobre 2016. Ils sont renvoyés en correctionnelle pour fraude fiscale le 22 février 2018. Puis, de nouveau pour blanchiment de fraude fiscale aggravée le 10 juillet 2016.
Le procès des époux Balkany pour fraude fiscale s’ouvre au tribunal correctionnel de Paris le 13 mai 2019. Condamné à quatre ans de prison ferme, Patrick Balkany, est incarcéré à la prison de la Santé le 13 septembre 2019. Il est aussi condamné à dix ans d'inéligibilité. Isabelle Balkany est condamnée à trois ans de prison, sans mandat de dépôt.
Isabelle Balkany poste un long message sur Facebook où elle se dit "fatiguée" et voulant "faire une grosse sieste", le 1er mai 2019. Elle fait une tentative de mettre fin à ses jours, de laquelle elle s'est depuis remise. Elle prend d’ailleurs les commandes de Levallois-Perret, alors que son époux est en prison.
Dans le second volet du procès, Patrick Balkany est condamné à cinq ans de prison pour blanchiment aggravé de fraude fiscale, assortis d'un nouveau mandat de dépôt, le 18 octobre 2019. Son épouse est condamnée à quatre ans d'emprisonnement, sans incarcération immédiate. Ils sont tous deux de nouveau condamnés à dix ans d'inéligibilité.
La première demande de mise en liberté de Patrick Balkany, liée à sa condamnation pour fraude fiscale est acceptée par la justice, sous réserve du paiement d'une caution de 500.000 euros. Mais il reste en prison en attendant l'examen d'un second recours, lié cette fois à sa condamnation pour blanchiment. Il sera rejeté le 13 novembre par la cour d'appel de Paris.
Alors qu’il est incarcéré, le 3 décembre 2019, Patrick Balkany se déclare, par la voix de son épouse, candidat aux municipales de mars 2020. Le 9 décembre, la cour d'appel de Paris rejette une nouvelle demande de mise en liberté.
Le 18 décembre 2019, il retire sa candidature. Le même jour, la cour d’appel requiert quatre ans de prison avec incarcération immédiate pour fraude fiscale contre Patrick Balkany, hospitalisé depuis le 12 décembre. Quatre ans de prison, dont deux avec sursis, sont requis à l’encontre d’Isabelle Balkany.
La nouvelle demande de mise en liberté de Patrick Balkany est rejetée le 27 janvier 2020. Puis le 11 février, l'accusation requiert cinq ans de prison, dont un an avec sursis, et dix ans d'inéligibilité à son encontre dans le second volet de son procès - pour blanchiment de fraude fiscale et prise illégale d'intérêts -. Pour Isabelle Balkany, le parquet demande quatre ans de prison, dont deux avec sursis et dix ans d'inéligibilité pour elle aussi.
Patrick Balkany est libéré par la cour d’appel de Paris pour raisons de santé, le 12 février 2020. Pourtant, les images de lui dansant lors de la fête de la musique ont fait le tour des réseaux sociaux et ont largement été moquées.
La cour d’appel de Paris rend son verdict le 4 mars 2020 : 4 ans dont 3 fermes pour Patrick Balkany, 3 ans fermes pour Isabelle Balkany pour fraude fiscale - premier volet du procès -. Le couple Balkany est démis de ses mandats municipaux par un arrêté du préfet des Hauts-de-Seine, le 6 mars 2020. Ils renoncent à se pourvoir en cassation.
Le 27 mai 2020, la peine concernant le second volet du procès - blanchiment aggravé de fraude fiscale -, est prononcé : Patrick et Isabelle Balkany sont condamnés en appel respectivement à cinq et quatre ans de prison ferme, sans incarcération immédiate. La cour d’appel alourdit la peine prononcée en première instance. Balkany est condamné pour "prise illégale d'intérêt", jugeant qu'il avait bénéficié d'avantages en nature dans le cadre d'un gros contrat immobilier de la ville. Le couple écope d’une amende de 100 000 euros.
La culpabilité des Balkany est définitivement confirmée en Cour de cassation le 30 juin 2021. Selon elle, on ne peut leur confisquer le moulin de Cossy, à Giverny (Eure), qui appartient aux enfants du couple.
Bien qu’ils aient déjà été reconnus coupables pour le second volet de l’affaire, celui pour blanchiment de fraude fiscale, un nouveau procès aura donc lieu, dont le seul enjeu sera la lourdeur de leurs peines. Rendez-vous donc le 25 octobre 2022 pour l’épilogue de cette affaire aux multiples rebondissements.