Inna Shevchenko, icône du féminisme et porte-parole de la cause ukrainienne
La militante féministe s'est fait connaitre en France à travers le mouvement des Femen dont elle est l'une des figures. Aujourd'hui, Inna Shevchenko utilise sa voix et ses réseaux sociaux pour dénoncer les crimes de guerre conduits par la Russie dans son pays d'origine, l'Ukraine.
Depuis le début de l'invasion russe en Ukraine, le 24 février dernier, Inna Shevchenko dénonce les violences subies par les Ukrainiens. L'activiste relaie sur son compte Twitter des informations en continu et des photos sur la réalité du terrain. Elle appelle la communauté européenne à prendre des décisions plus fortes et conséquentes afin de mettre fin au conflit.
Depuis le début de la crise en Ukraine, Inna Shevchenko est régulièrement invitée par les médias français pour parler au nom du peuple ukrainien et faire prendre conscience de l'atrocité de cette guerre qui se déroule actuellement dans son pays natal.
Le 26 février 2022, la Femen ukrainienne qualifiait Vladimir Poutine d'«agresseur en série», «assoiffé d’abus» dans Elle. «Aujourd’hui, l’Ukraine semble se battre seule contre un ennemi puissant. Elle se bat pour les valeurs que l’Europe était censée défendre, mais dont elle a oublié le sens», dénonce-t-elle dans les colonnes du magazine.
« Il y a cinq mois, je suis devenue mère d'une petite fille. Si les hommes savaient combien il est difficile et beau de créer la vie, ils ne feraient jamais la guerre », s'est-elle lamentée.
Fille de colonel de l'armée, militante féministe depuis son plus jeune âge, Inna Shevchenko est une femme aux engagements forts qui a toujours incarné la volonté de liberté à travers ses prises de parole et ses actes. Si elle défend aujourd'hui la liberté de son pays, celle qui a dû le fuir en 2013 a, durant toute sa vie, menée des combats pour défendre ses valeurs les plus profondes...
Inna Stepanivna Shevchenko est née le 23 juin 1990 à Kherson, dans le sud de l’Ukraine. Une ville tombée aux mains des Russes au début de la guerre. À l'âge de 18 ans, elle part étudier le journalisme dans une université à Kiev. Elle en sort diplômée quatre ans plus tard avec les honneurs.
En parallèle de ses études, Inna rejoint un mouvement féministe, souvent considéré comme radical : les Femen. Ce mouvement activiste d'origine ukrainienne a été fondé en 2008 par Oksana Chatchko, Oleksandra Chevtchenko et Anna Hutsol, trois militantes féministes. Avec leur collectif, elles mènent des actions, poitrines dénudées et couronnes de fleurs sur la tête, pour défendre les droits des femmes, contester le modèle patriarcal, ou encore, dénoncer l'influence des religions dans la société.
En décembre 2011, suite à une manifestation menée contre le dictateur Loukachenko et pour demander la libération de prisonniers politiques à Minsk, Inna est arrêtée par les autorités biélorusses, interrogée puis frappée, avant d'être relâchée au milieu d'une forêt.
Après cette arrestation, Inna poursuit ses actions avec les Femen en Ukraine. Mais en août 2012, sa vie prend un tournant inattendu. À cette époque, les Pussy Riot, un groupe de musique punk rock et féministe originaire de Moscou, est condamné à deux ans d'emprisonnement dans un camp de travail en Russie. Cette condamnation fait suite à un concert organisé illégalement dans une cathédrale orthodoxe, contre Vladimir Poutine. En solidarité avec les Pussy Riot, Inna décide de mener une action avec d'autres activistes à Kiev...
Lors de cette manifestation, Inna tronçonne une croix catholique en bois de 8 mètres, sur une place de la capitale ukrainienne. Faisant l'objet d'une enquête criminelle dans son pays, la jeune femme alors âgée de 22 ans est contrainte de fuir l'Ukraine et prend la direction de la France avec un visa touristique. Elle obtient le statut de réfugiée politique en avril 2013.
Désormais sur le sol français, la militante ukrainienne poursuit son combat pour le droit des femmes, mais pas que. En novembre 2012, elle mène sa première manifestation en France, en faveur du Mariage pour Tous.
En février 2013, elle crée le scandale en France. Après la renonciation du Pape Benoit XVI, elle s'introduit dans la cathédrale Notre-Dame de Paris avec sept autres activistes Femen, toujours la poitrine dénudée et peinte de messages hostiles à l'Église. Le mouvement est en effet anti-religion.
Des politiques français s'emparent de l'affaire et dénoncent cet acte du mouvement Femen. L'Alliance générale contre le racisme et pour le respect de l'identité française et chrétienne (AGRIF) porte plainte contre le mouvement, un procès s'ouvre alors. À l'issue de ce chapitre judiciaire, les neuf activistes Femen accusées sont finalement relaxées par le tribunal correctionnel de Paris.
Au cours de ses premiers mois en France, Inna a participé à la création d'un centre d'entrainement dans le quartier de la Goutte d'Or à Paris. Les Femen y organisent des formations et des entrainements pour les activistes du monde entier.
Au fil des années, Inna Shevchenko est devenue une leader incontestable du mouvement Femen et une figure de l'activisme et du féminisme en Europe. Elle développe le mouvement en France et à l'international, en participant à diverses conférences, notamment dans de grandes universités britanniques.
En 2017, elle publie avec Pauline Hillier, une autre membre des Femen, un ouvrage intitulé "Anatomie de l'oppression". Ce livre dénonce les persécutions des religions sur le corps des femmes. Chaque chapitre est centré sur une partie de l'anatomie féminine (la tête, le cœur, le ventre, les mains, etc.)
En 2019, l'ukrainienne est devenue membre du conseil consultatif sur l'égalité entre les femmes et les hommes, à l'occasion du sommet du G7 à Biarritz. Sa voix se fait entendre désormais à tous les niveaux des institutions.
En 10 ans, Inna Shevchenko s'est toujours battue pour ses convictions, parfois aux risques de sa vie. Cette fois, c'est impuissante qu'elle regarde, depuis la France, la guerre se poursuivre en Ukraine. Impuissante, ou presque. Car continuer d'informer, de dénoncer, d'appeler les dirigeants politiques à agir ; c'est aussi cela se battre pour la liberté.