Nordahl Lelandais condamné à perpétuité : chronologie de l’affaire Maëlys
Plus de trois ans après les faits, Nordahl Lelandais, accusé d’avoir tué la petite Maëlys de Araujo, âgée de 8 ans en août 2017, a été condamné le 19 février 2022 à la réclusion criminelle à perpétuité, assortie d’une peine de sûreté. Durant le procès, qui a duré trois semaines, il a également été jugé pour avoir abusé de ses deux petites cousines, ce même été 2017. Certains doutes subsistent, mais l’audience a été l’occasion d’éclaircir les zones d’ombre qui pesaient encore sur cette affaire, l’une des plus médiatiques de ces dernières années.
Ce procès a aussi permis d’en savoir un peu plus sur la personnalité, plutôt trouble, de l’accusé. En effet, Nordahl Lelandais comparaît alors qu’il est déjà condamné à 20 ans d'emprisonnement pour le meurtre d'Arthur Noyer, le 12 avril 2017. Ces faits ont été découverts par les enquêteurs au moment de l’instruction de l’affaire, dite "Maëlys". Ce fait divers glaçant est l’un de ceux qui a le plus marqué la France ces dernières années. Pour y voir plus clair, revenons sur les faits et sur cette enquête croisée, jusqu’au le procès et son verdict.
Capture d'écran @TF1
Mercredi 12 avril 2017 : le caporal Arthur Noyer, 23 ans, ne se présente pas à son 13e Bataillon de chasseurs alpins (BCA) de Barby, en Savoie. C’est la première fois qu’il manque à l'appel. Ses supérieurs et sa famille s’inquiètent, une enquête est ouverte.
Plusieurs mois s'écoulent. Puis, dans la nuit du 26 au 27 août 2017, lors d’une soirée de mariage dans la salle des fêtes de Pont-de-Beauvoisin, en Isère, la petite Maëlys De Araujo disparaît, vers 3 heures du matin. Toute sa famille se met à la chercher, mais elle est introuvable. Ils contactent alors la police, qui ne parvient pas non plus à la retrouver.
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Quelques jours plus tard, le nom d’un premier suspect apparaît : Nordahl Lelandais. Ce dernier était présent à la cérémonie, en tant qu'ami du marié. Ce qui attire les soupçons vers lui, c’est qu’il aurait été en contact avec la fillette juste avant sa disparition.
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Le 31 août, cet ancien militaire de 34 ans est placé en garde à vue. Il avoue avoir approché Maëlys trois fois durant la soirée, notamment pour lui montrer ses chiens sur son téléphone. Mais pour le reste, il justifie le fait de s’être absenté après la conversation avec l'enfant pour se changer et avoir nettoyé sa voiture le lendemain du mariage pour pouvoir la vendre.
Le 3 septembre 2017, les enquêteurs retrouvent une trace d'ADN de la petite fille dans la voiture de Nordahl Lelandais. Il se justifie de nouveau en racontant qu’elle est, en effet, montée dans sa voiture, accompagnée d'un autre enfant pour aller voir ses chiens. Ils auraient ensuite tous regagné la fête, selon lui. Ses explications ne convainquent pas : il est mis en examen.
En novembre 2017, une vidéosurveillance révèle des images de la voiture de Nordahl Lelandais : à l’aller, on y voit une petite silhouette vêtue de blanc à ses côtés, au retour, elle n’est plus là.
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Le 30 novembre, Nordahl Lelandais est entendu lors d’une nouvelle audition. En effet, celle effectuée lors de sa première garde à vue a été annulée par la justice : les gendarmes n'avaient pas filmé l'interrogatoire comme l'exige la procédure.
La police commence à se demander s’il existe un lien entre Lelandais et d’autres disparitions survenus dans la région. C’est alors qu’ils se rendent compte qu’Arthur Noyer et lui ont eu un contact téléphonique et ont voyagé ensemble dans la nuit du 11 au 12 avril 2017. Nordahl Lelandais est sorti de cellule pour être interrogé le 18 décembre. Il nie toute implication, mais sera tout de même mis examen pour meurtre le 20 décembre 2017.
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Le 14 février 2018, Nordahl Lelandais passe aux aveux. Il confirme avoir frappé la petite fille, mais que sa mort est accidentelle. Il emmène les policiers sur les lieux où reposent les restes de l’enfant. Selon les premiers résultats de l'autopsie, Maëlys a eu la mâchoire fracturée. Le suspect avoue lui avoir donné un coup violent du revers de la main.
Quand les enquêteurs emmènent Nordahl Lelandais sur les lieux où ils ont retrouvé Arthur Noyer. Il avoue l’avoir tué "lors d’une bagarre", qui a entraîné “la chute” mortelle de caporal. En revanche, il affirme que c’est Arthur Noyer qui a porté le premier coup.
Le 13 avril 2018, les enquêteurs établissent un lien entre Éric Foray, 48 ans, disparu dans la Drôme, le 16 septembre 2016 et Nordahl Lelandais. Le nom d'un membre de la famille du disparu a été retrouvé dans le téléphone de Lelandais.
Puis, Olga Roux, mère de Lucie Roux disparue en 2012, en Savoie, qui révèle aux policiers que sa fille aurait déjeuné à plusieurs reprises avec l'ex-militaire, alors qu'ils étaient tous deux hospitalisés. Serait-il lié également à cette disparition ?
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Des experts le confirment le 1er juin 2018 : rien ne prouve que la petite Maëlys a été v***ée. Nordahl Lelandais a rencontré des psychiatres deux fois. Face à eux, ce dernier affirme qu’il n’était pas maître de lui-même au moment des faits. Il aurait une double personnalité.
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Les derniers résultats de l'autopsie pratiquée sur le corps de la petite fille contredisent les déclarations de Nordahl Lelandais, selon BFMTV, le 3 juillet 2018. Les légistes constatent que les coups portés à la petite fille n'auraient pas provoqué sa mort.
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Une reconstitution est organisée dans la nuit du 24 septembre au 25 septembre 2018, en présence de l’accusé, des magistrats et des parties civiles, selon Le Dauphine Libéré. Lelandais donne alors une nouvelle version des faits. Il reconnaît “avoir infligé plusieurs coups très violents”. Il a aussi répété les gestes devant les enquêteurs à l'intérieur de son véhicule. Cette version semble bien mieux coller avec “la matérialité des faits”, bien que le prévenu n'ait cessé de faire évoluer ses déclarations aux enquêteurs et à la justice.
Le 12 mai 2021, lors du procès pour le meurtre d’Arthur Noyer, Nordhal Lelandais est condamné à 20 ans de prison.
Le procès s’est ouvert le 31 janvier 2022. Le frère de l’accusé et un ancien codétenu, tous deux témoins, sont absents. Dès le début de l’audience, il reconnaît avoir “bien donné la mort” à la petite fille. Puis, il présente ses excuses à la famille de la victime : “Je veux leur présenter mes excuses, j’ai bien donné la mort à Maëlys, je ne voulais pas lui donner la mort, je vais m’expliquer sur les faits au cours de l’audience”, dit-il. Il risque cette fois la réclusion criminelle à perpétuité.
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Il aura pourtant fallu plusieurs jours d’audiences pour que l’accusé avoue que la mort de la fillette n’est pas accidentelle, comme il l’affirmait jusque-là. Il avoue que les coups portés étaient bien destinés à lui donner la mort.
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Il raconte le déroulé des faits durant de longues minutes. Selon lui, il aurait été en contact trois fois avec Maëlys avant de l’enlever. La première fois, c’était à table, quand la petite a aperçu la photo de ses chiens sur son téléphone. La seconde, quand il a envoyé une balle dans la salle des enfants et la dernière sur le parking pendant que la fillette et un petit garçon blond jouaient dehors.
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Ensuite, les deux enfants seraient montés dans sa voiture. Mais selon lui, tout part à vau-l’eau lors d’un second trajet en voiture. Lelandais souhaitait repasser chez lui pour aller chercher de la poudre blanche. Maëlys, qui aurait prétexté avoir l'accord de ses parents, lui aurait demandé de l’accompagner pour voir ses chiens. Mais la petite se serait mise à pleurer durant le trajet. Lelandais affirme avoir reconnu Arthur Noyer en Maëlys et commence à la frapper.
Il prétend avoir fini par remarquer que la petite fille ne bougeait plus. Il prend son pouls et la croit morte. Alors pour “cacher [son] crime”, il décide de la déposer au bout d'un chemin de fer. Il se débarrasse de ses vêtements tâchés de sang dans une benne à ordure, puis retourne au mariage pour avoir "un alibi". Glaçant.
Ensuite, rapidement, il aurait décidé de quitter rapidement le mariage pour déplacer le corps. Il la transporte dans le coffre de sa voiture : c’est là que les traces de sang, qui ont permis son arrestation, ont été déposées. Puis, il se débarrasse du corps dans le massif des Chartreuses. Pourtant, il affirme de nouveau qu’il ne l’a pas v****r.
Mais après ce récit, la présidente et les avocats de la partie civile soulignent longuement les contradictions de Nordahl Lelandais entre ses différentes auditions, tout comme sa tendance à mentir. Ce qu’il confirme d’ailleurs : “Bien sûr que j'ai menti. J'ai dit des choses pour ne pas dire "Oui j'ai tué une petite fille". Je vous l'accorde”.
Les différents témoignages durant le procès tendent à montrer que les jours suivant son crime, Lelandais aurait essayé de reprendre le cours de sa vie, mais il affirme ne pas avoir été “bien du tout" depuis le meurtre.
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Aucun fait accablant pour agression s***lle n’a été retenue à l'issue du procès. Rien ne permet en effet, d’affirmer ou d'infirmer les faits. Cependant, à cause de la détention de films p******les retrouvés chez l’accusé, ainsi que les poursuites qu’il encourt pour v***l sur ses deux petites cousines, les parents de Maëlys restent persuadés comme leurs avocats qu'"un mobile se***l a dicté la conduite de l'accusé".
Malgré les doutes et les intimes convictions de l’avocat général, l'accusé ne sera pas jugé pour ces derniers faits, ce chef d'accusation n'ayant pas été retenu par le parquet de Grenoble. Néanmoins, il est aussi jugé pour avoir agressé ses deux petites cousines de 4 et 6 ans. L’avocate des deux petites filles explique que Lelandais s’est filmé en train de les agresser : "c'est une des composantes de prédateurs s*****e".
Selon les avocats de l’accusé, ce dernier ne saurait pas différencier les femmes des enfants quand il est dans un état second et sous l’emprise de certaines substances. Le jour de l’agression de ses petites cousines, il affirme avoir eu “une pulsion et une attirance”, alors qu’elles dormaient. Accablé par les preuves, Nordahl Lelandais finit par reconnaître ses “penchants” pour les enfants.
Durant le procès, certains experts affirment que Nordahl Lelandais souffre de dissociations. Il ne "se sent pas sujet de son histoire" et "serait victime de lui-même". Selon lui, c'est un monstre qui a tué Maëlys et qu'il aimerait le retrouver "pour lui c*sser la gueule".
Pour d’autres experts, quand on souffre de dissociation, on ne sait plus où on est quand on est dissocié et on est dans un état de sidération après les faits. Ce n’est pas le cas de Lelandais, il n’aurait pas eu un comportement pareil. Il ne serait par exemple pas allé nettoyer la scène de crime, sa voiture. De plus, il n’arrête pas de changer de version.
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En revanche, les experts s’accordent sur le narcissisme de Lelandais. C’est ce qui le pousse à se servir des gens autour de lui comme s’ils étaient des objets. Il a donc une tendance à la manipulation. Il aurait sans doute selon les experts manqué d’affection durant l’enfance, ce qui justifie sa dépendance affective. De plus, ses remords exprimés durant le procès traduirait plus une "honte traumatique" et narcissique due au fait que "toute sa vie secrète a étalée au grand jour".
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La mère de Nordhal Lelandais, Christiane, s’est exprimée pendant plus d’une heure à la barre. Elle raconte que durant l’enfance, son fils était "calme", mais qu’il était touché par les absences répétées de son mari pour des raisons professionnelles. La relation mère-fils se complique quand Nordahl Lelandais entre dans l’adolescence. Et la distance entre eux deux empire quand il s’engage dans l’armée.
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Quant à ses anciennes compagnes, elles décrivent toutes un homme qui a un très fort appétit pour les relations au lit, et qu’il aime les pratiques débridées. Deux d’entre elles, appelées à la barre durant le procès, indiquent avoir été enceintes de lui, avant d’avorter.
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Les jurés répondent oui aux quinze chefs d’accusation. Il est donc coupable des faits qui lui sont reprochés. En plus de sa condamnation à la réclusion criminelle à la perpétuité, il est inscrit au fichier des délinquants s****ls et il est contraint à un suivi socio-judiciaire. Il est aussi privé de tous ses droits civiques, civils et de famille - il ne peut ni se marier, ni avoir d’enfants - pendant 10 ans.
Après le verdict, la famille de Maëlys se prend silencieusement dans les bras. Du côté de l'accusé, aucune réaction n'a été remarquée. “Je suis contente du verdict. La perpétuité, c'est ce qu'on a pris en n'ayant plus Maëlys. Il ne fera plus jamais de mal à personne, c'était notre objectif pour lui rendre hommage. Maëlys nous a donné de la force pendant tout le procès. La peine a été à la hauteur de ce qu'on attendait, mais on ne saura jamais réellement de quoi elle est décédée”, déclare Jennifer de Araujo, mère de Maëlys.
Nordahl Lelandais ne fera pas appel de sa condamnation à la perpétuité, selon son avocat Alain Jakubowicz.
Selon l'avocat Alain Jakubowicz, "la justice a été rendue au terme d'un procès éprouvant". "Le chemin va être long pour lui, très long. Il est temps que cette page se tourne, les feux de la rampe vont s'éteindre. Il eut été indigne d'interjeter appel de cette décision et de prolonger le calvaire de la famille. On ne se remet jamais de ce qui leur est arrivé. Quant à Nordahl Lelandais, son destin est entre ses mains. Il va retourner dans l'anonymat, c'est à lui de travailler. C'est un moment de notre histoire judiciaire qui se tourne".
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Colleen, la sœur de Maëlys, se dit "très contente du verdict" mais regrette que le condamné "n'aura pas pu nous apporter plus de vérité".
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Si c'est en effet, une page judiciaire qui se ferme, il n'est pas impossible que nous entendions de nouveau parler de Nordahl Lelandais. L'homme pourrait bien être responsable d'autres disparitions survenus dans la région. Par exemple, celle de deux hommes, à un an d'intervalle, à un festival de musique techno organisé au fort de Tamié, en Savoie. Espérons qu'il finisse par révéler ses derniers secrets...