Découvrir l'écoféminisme antispéciste : à quoi cela correspond-il ?
L'écoféminisme antispéciste est basé sur l'intersectionnalité. C'est-à-dire sur la lutte interconnectée contre l'oppression. Dans ce cas, en soulignant le lien étroit entre l'oppression envers les femmes (ou les personnes LGBT+), envers la nature et envers les animaux non humains.
L'écoféminisme établit un lien direct entre l'écologie et le féminisme, en mettant en relation le respect et le soin de la nature avec les droits des personnes, plus particulièrement ceux des femmes et des autres groupes opprimés par le patriarcat. Le terme a été créé par Françoise d'Eaubonne en 1974. Il existe de nombreux courants différents au sein de l'écoféminisme, l'anti-espèce est l'un d'entre eux.
L'antispécisme est une éthique qui rejette la discrimination des espèces, c'est-à-dire le spécisme. Elle s'oppose notamment à l'idée que les animaux humains sont supérieurs aux autres, ou qu'ils ont le droit d'exploiter, de dominer ou de diriger la vie d'autres êtres sensibles.
Dans l'écoféminisme antispéciste, il y a un point sur lequel de nombreuses intellectuelles s'accordent, c'est la nécessité d'appliquer l'éthique des soins, traditionnellement attribuée aux femmes, à la relation que l'espèce humaine entretient avec la Nature.
Le système patriarcal est à la base de toutes les oppressions : celle des femmes et des personnes LGBT+, l'oppression raciale, spéciste ou de classe. En d'autres termes, l'hétéro mâle néolibéral (en tant que symbole) se prend pour la mesure de toutes choses et revendique des droits sur tout ce qui n'est pas lui.
Les êtres sensibles, quel que soit leur genre ou leur espèce, doivent être considérés comme des fins en soi et non comme des moyens à utiliser pour parvenir à quelque chose. Les femmes n'existent pas pour les hommes, et les animaux ou êtres non humains n'existent pas pour les gens.
La relation des femmes à la Terre est également au cœur de l'écoféminisme antispéciste. Depuis la nuit des temps, les emplois liés à l'agriculture et aux soins aux animaux non humains ont été occupés par des femmes, tandis que les hommes se consacraient à la chasse ou à des activités intellectuelles. Ce sont aussi ceux qui souffrent le plus de l'exploitation dans les communautés rurales en raison de leur genre ; et ceux qui peuvent changer les choses en redéfinissant leur lien avec la Nature.
Tout comme, par exemple, certaines femmes indigènes subissent une double discrimination (de genre et de race), il existe des espèces animales qui, parce qu'elles sont considérées comme inférieures à l'échelle des spécimens, sont plus exploitées, méprisées ou tuées que d'autres. Il s'agit d'une question culturelle qui varie d'une société à l'autre, en particulier dans le cas des êtres non humains.
L'écoféminisme antispéciste est une éthique et une lutte intersectionnelle qui s'oppose à la transphobie, tout comme elle s'oppose au racisme ou à la discrimination de classe. Pour cette raison, on pourrait le considérer comme un féminisme absolument transinclusif, puisqu'il défend que les mêmes mécanismes de pensée sont à l'origine de toutes les oppressions et que, dans le féminisme, les trans ont aussi leur place.
"On ne naît pas femme, on le devient". Cette phrase mythique de Simone de Beauvoir résume pourquoi il est décisif de lutter contre les rôles de genre qui nous sont imposés : la liberté de décider qui on est et de le faire dans une perspective intimement liée à la nature et au reste des êtres qui l'habitent, qui subissent aussi les conséquences de modèles sociaux arbitraires, est essentielle.
L'écoféminisme antispéciste soutient qu'il n'y a pas de véritable justice sociale ni d'égalité si elle n'existe que pour quelques privilégiés et que les autres, de même que les êtres vivants non humains, sont exclus de notre système de croyances.
Depuis que l'écoféminisme est apparu dans les années 1970 dans le cadre de la "troisième vague féministe", ce mouvement a été dirigé par des femmes. Avec à sa tête des noms historiques allant de Susan Griffin ou Petra Kelly à Greta Thumberg, icône actuelle du mouvement Fridays for future, mouvement contre le réchauffement climatique (et qui est également anti-espèces et vit selon une éthique végétalienne).
Selon l'écoféminisme anti-espèces, tous les animaux ont des droits fondamentaux. Les pratiques spécistes normalisées telles que la consommation d'œufs, l'insémination artificielle des vaches pour qu'on puisse, une fois qu'elles ont mis bas, les séparer de leurs petits afin de les traire et d'utiliser leur lait pour la consommation humaine, ou encore les systèmes de gestation et de mise bas des truies vont directement à l'encontre de ces droits fondamentaux.
Toutes les grandes conquêtes de droits de l'histoire, toutes les avancées sociales et/ou politiques, ont été obtenues par le travail, la lutte et l'activisme. Comme, par exemple, le vote des femmes. C'est pourquoi l'écoféminisme antispéciste est, à sa base, un activisme et va de l'individu au collectif.
Parmi les auteurs de référence du mouvement, citons Carol J. Adams, la philosophe et activiste Ángela Davis et, en Espagne, Alicia Puleo ("Clés écoféministes pour les rebelles qui aiment la terre et les animaux" ; "Ecoféminisme : pour un autre monde possible") ou Angélica Velasco ("L'éthique animale, une question féministe ?").
Si le genre est une construction humaine, alors les animaux n'ont pas de genre : ils sont soit femelles soit mâles (avec quelques cas d'hermaphrodisme). Dans ce cadre, nombre des oppressions qu'ils subissent sont dues à leurs caractéristiques biologiques, ce dont le chauvinisme masculin a toujours fait usage. Les poules sont exploitées pour leurs œufs, les vaches pour leur lait, les truies dites reproductrices pour leur capacité à se reproduire et les juments pour leur capacité à porter de lourdes charges, par exemple.
Il y a une métaphore écoféministe qui explique très bien le parallélisme entre l'oppression des femmes et l'exploitation de la Terre et qui consiste à voir la Nature et les corps comme des territoires de conquête ; comme des lieux physiques ou figuratifs où le patriarcat se légitime. Cela se produit également avec les corps d'animaux, transformés en biens de consommation.
Dans un courant écoféministe précoce, l'idée d'une opposition entre le féminin-naturel et le masculin-culturel a été acceptée, mettant l'accent sur la relation des femmes avec la Terre afin de progresser vers l'égalité. Plus tard, l'écoféminisme critique surmonte cela, en redéfinissant cette dichotomie comme une connexion humaine plutôt que de genre.
Pour l'écoféminisme antispéciste, le patriarcat et le système spéciste considèrent tous deux les corps comme des objets de consommation, réduisant les sujets, femmes et animaux non humains, à de simples marchandises qui peuvent être et sont commercialisées. Le facteur capitaliste ne peut être ignoré ici.
Quel est l'avenir pour lequel l'écoféminisme antispéciste se bat ? C'est très simple : un avenir égalitaire, juste et libre pour tous. Un avenir dans lequel personne n'aura à subir de discrimination, d'oppression ou d'exploitation en raison de son appartenance à un certain genre ou à une certaine espèce. Un avenir où l'homme vivra en cohérence et en respect avec la nature, les animaux qui l'habitent et ses propres convictions éthiques.