Jean-Marie Le Pen hospitalisé : retour sur une vie de controverses
Jean-Marie Le Pen, l’ancien leader du Front national en France, a été hospitalisé ce mercredi 2 février à la suite d’un accident vasculaire-cérébral. Ses jours ne seraient pas en danger selon l’entourage de l’ancien homme politique, désormais âgé de 93 ans. Un retour en images sur la figure la plus controversée de la Cinquième République.
Jean-Marie Le Pen est né le 20 juin 1928 à La Trinité-sur-Mer, en Bretagne. Marin pêcheur et élu local, son père meurt en mer en 1942 et le futur patron du Front national devient pupille de la nation.
Le jeune homme rejoint Paris à la fin des années 1940 pour y étudier le droit. Président de l’association des étudiants en droit, il se fait déjà remarquer pour ses qualités d’orateur. À l’époque, Le Pen se lie d’amitié avec le futur cinéaste Claude Chabrol.
Proche des milieux d’extrême-droite, Jean-Marie Le Pen rejoint la formation de Pierre Poujade qui fait une percée aux élections de 1956. Le Pen devient député à seulement 27 ans.
Ancien de la guerre d’Indochine, Le Pen rejoint l’armée française en Algérie pour quelques mois malgré son statut de député. Intégré à un régiment de parachutistes, il est soupçonné d'y avoir pratiqué la torture, comme cela avait évoqué par Le Canard enchaîné et Libération dans les années 1980. Lui-même a démenti.
Jean-Marie Le Pen a épousé Pierrette Lalanne, avec laquelle il a eu trois filles : Marie-Caroline, Yann et Marine, l’actuelle présidente du Rassemblement national sous les couleurs duquel elle participe pour la troisième fois aux élections présidentielles.
Le Pen s’impose progressivement comme le fédérateur des mouvements d’extrême-droite, qui n’étaient pas unis à l’époque. En 1972, il prend la tête du Front national, un parti qui vient d’être créé pour rassembler ces différents courants radicaux.
En 1974, Jean-Marie Le Pen est pour la première fois candidat à une élection présidentielle. Il obtient 0,75% des suffrages et appelle à voter pour le futur président Valéry Giscard d’Estaing au second tour.
La fin des années 1970 est marquée par une série d’événements violents. En 1976, son appartement à Paris est détruit par une charge de vingt kilos d’explosifs. Deux ans plus tard, son bras droit François Duprat meurt dans un attentat à la voiture piégée.
À la même époque, le chef du Front national fait fortune en héritant d’Hubert Lambert, un riche hériter qui meurt sans enfants à 42 ans et qui lui lègue ses biens. Le Pen acquiert l’hôtel particulier de Montretout et bénéficie d’une plus grande indépendance financière pour ses activités politiques. La succession a fait polémique compte tenu de la fragilité psychique de Lambert.
Le Pen échoue à se présenter aux élections de 1981 mais c’est à cette époque que son parti va connaître son ascension électorale. Lors des élections cantonales de 1982, le FN réalise plus de 10% dans certains territoires. L’année suivante, il obtient 16% des voix aux élections municipales partielles à Dreux : la liste FN fusionne avec celle de la droite et remporte le second tour.
Jean-Marie Le Pen apparaît de plus en plus souvent dans les médias audiovisuels, sans opposition du président François Mitterrand qui souhaite gêner la droite. Il se fait notamment remarquer lors de son passage dans l’émission politique « L’heure de vérité » en 1984.
Aux élections législatives de 1986, Le Pen fait son retour à l’Assemblée nationale trente après sa première élection. Son parti obtient un nombre record de 35 députés.
L’année suivante, son ex-femme Pierrette, avec laquelle le divorce a été très médiatisé, se venge de Jean-Marie Le Pen en posant dans son plus simple appareil dans le magazine « Playboy », espérant le gêner dans la perspective de l’élection présidentielle de 1988. Les trois filles Le Pen prennent alors la défense de leur père.
En pleine ascension politique, Jean-Marie Le Pen se représente en 1988 en faisant campagne sur les thèmes de la sécurité et de l’immigration. Avec 4,4 millions de voix, il réalise un score de 14,4%. Malgré cette hausse spectaculaire, Le Pen voit s’envoler ses espoirs de participer au second tour.
Il faut dire que le leader du FN se prive d’un élargissement possible de sa base électorale en multipliant tout au long de sa vie les dérapages racistes ou antisémites. Le plus tristement célèbre est l’affaire du « point de détail » qu’auraient été les chambres à gaz pendant la Seconde Guerre mondiale. Le Pen a souvent ironisé par ailleurs sur les origines juives de Patrick Bruel.
C’est cette incapacité (ou cette absence de volonté) de faire du FN un parti capable de gouverner qui impatiente ses lieutenants, dont Bruno Mégret. Malgré l’amélioration du score de Le Pen à la présidentielle de 1995 (15% des voix), Mégret provoque une scission au sein du parti qui chute lourdement aux élections européennes de 1999.
Mais le MNR de Bruno Mégret pèse assez peu électoralement face au Front national. Aux présidentielles de 2002, Le Pen obtient près de 17% des voix et se qualifie pour le second tour devant le Premier ministre et candidat socialiste Lionel Jospin, ce qui provoque un choc dans toute la société française. Après des manifestations intenses contre Le Pen durant l’entre-deux-tours, le président sortant Jacques Chirac l’emporte finalement sur le score record de 82%.
La figure de Jean-Marie Le Pen est donc rejetée par une large majorité de la société française, malgré un électorat fidèle. Le chef de file de l’extrême-droite se présente une dernière fois en 2007 et recule à 10,4% des voix, notamment sous l’effet de la concurrence de Nicolas Sarkozy.
Désormais âgé, Jean-Marie Le Pen annonce en 2010 qu’il ne se représentera au congrès du FN. Il soutient sa fille Marine contre Bruno Gollnisch dans la course à la présidence du parti. C’est elle qui l’emporte, preuve que ce mouvement politique est avant tout une affaire de famille.
Mais les relations entre le père et la fille vont progressivement se dégrader. Jean-Marie fait connaître publiquement certains désaccords avec Marine, revient sur de vieilles polémiques et multiplie de nouveau les sorties racistes et antisémites. En 2015, Jean-Marie Le Pen est finalement exclu du Front national.
Depuis 2019, Jean-Marie Le Pen n’est plus titulaire d’aucun mandat. Il était député européen depuis de nombreuses années. L’ancien homme politique a publié ses mémoires en deux tomes en 2018 et 2019.
Malgré son grand âge et la rupture consommée avec sa fille, le père de Marine Le Pen continue de faire parler de lui à intervalles réguliers dans les médias. Nul doute qu’il gardera le goût des provocations douteuses jusqu’à son dernier souffle.