Officiellement candidate à l’Élysée, Christiane Taubira fête ses 70 ans aujourd’hui
On ne présente plus Christiane Taubira, une figure de la vie politique française depuis plusieurs décennies. Officiellement candidate aux élections présidentielles après sa victoire à la primaire populaire de la gauche, l’ancienne Garde des Sceaux fête ses 70 ans aujourd’hui. L’occasion de revenir sur un long parcours qui l’a amenée jusqu’à la campagne actuelle.
Christiane naît en 1952 à Cayenne, en Guyane française, d’une mère qui a élevé seule ses onze enfants. Elle est entre autres la sœur de Jean-Marie Taubira, de deux ans son aîné, avec lequel elle a cofondé le parti guyanais Walwari en 1992.
Après des études d’économie à Paris, elle se lance en politique en 1978 dans le militantisme indépendantiste guyanais. Son mari Roland Delannon, avec lequel elle a eu quatre enfants, avait fondé le Mouvement guyanais de décolonisation. Mais Christiane abandonne ce positionnement lors de l’élection de François Mitterrand en 1981.
Cet engagement de jeunesse a suscité la controverse de longues années après. Impliqué dans des actions violentes, Roland Delannon est incarcéré durant plusieurs mois tandis que Christiane passe du temps en clandestinité. Le couple finira par divorcer sur fond de désaccord politique.
Ayant rompu avec le militantisme radical, Christiane Taubira consacre une dizaine d’années à ses activités professionnelles. Mais la politique n’est jamais loin : en 1992, elle cofonde le parti Walwari avec plusieurs de ses proches, une formation politique guyanaise d’inspiration socialiste. Ce terme désigne un type de vannerie spécifique à la Guyane.
C’est le début d’une carrière nationale ! L’année suivante, elle est élue à l’Assemblée nationale et vote la confiance au gouvernement de droite dirigé par Édouard Balladur en signe d’apaisement. Un geste qu’elle regrettera par la suite.
En avril 1994, Christiane Taubira se rend en Afrique du sud, où l’apartheid vient d’être aboli, en tant qu’observatrice parlementaire des premières élections où les citoyens noirs peuvent se présenter. Une expérience difficile mais nécessaire pour mettre fin aux injustices du passé. Elle s’est d’ailleurs rendue aux obsèques de Nelson Mandela en 2013.
Aux élections européennes qui ont lieu au printemps de la même année, Christiane Taubira figure sur la liste « Énergie radicale » de Bernard Tapie, l’homme d’affaires engagé en politique du côté des socialistes. Elle est élue au Parlement européen tout en conservant son mandat de députée en France.
En 1998, Christiane Taubira fait une proposition de loi pour l’abolition des mines anti-personnel. Un type d’armement particulièrement barbare et dangereux dont la fabrication, la vente et l’usage lors d’interventions militaires sont désormais interdits par la législation française.
En 2001, la « loi Taubira » reconnaissant l’esclavage et la traite comme crimes contre l’humanité est adoptée. Une journée de la mémoire de l’esclavage est créée et a lieu tous les ans le 10 mai. La mémoire de ce fait historique est par ailleurs introduite dans les programmes scolaires.
Malgré la nécessité du devoir de mémoire, certains historiens s’opposent à Christiane Taubira à l’époque. La limitation à la seule traite européenne et les menaces potentielles sur la liberté de la recherche historique sont les principales objections adressées à la loi.
En 2002, il y a vingt ans, Christiane Taubira était déjà candidate aux élections présidentielles. Elle est investie par le Parti radical de gauche et défend alors l’instauration d’une VIe République, un système de retraite par capitalisation ainsi qu’un allègement de la fiscalité. Elle obtient 2,32% des voix au premier tour et réalise des scores très élevés dans les départements d’outre-mer.
La candidate s’était présentée avec l’accord du Premier ministre Lionel Jospin, qui souhaitait que la « gauche plurielle » soit représentée par plusieurs candidats. Mais la dispersion des candidatures est fatale au dirigeant socialiste, devancé par Jean-Marie Le Pen et éliminé dès le premier tour. Certains ont relevé que le total des voix de Taubira était supérieur à l’écart entre Jospin et Le Pen.
Restée députée, Christiane Taubira est nommée ministre de la Justice par François Hollande lorsque la gauche revient au pouvoir en 2012. Dès son arrivée, elle est à l’origine d’une nouvelle loi contre le harcèlement se*uel.
Mais c’est surtout le vote de la loi sur le mariage pour tous, permettant le mariage et l’adoption pour les couples homosexuels, qui a marqué son passage au ministère. En portant la loi durant des mois malgré une opposition parlementaire intense et un mouvement de protestation massif de la droite catholique, elle s’est révélée par son éloquence et par sa ténacité. La loi est finalement adoptée au printemps 2013.
Durant les débats sur le mariage pour tous et après, la ministre sera la victime de campagnes de dénigrement raciste et sexiste de la part des milieux d’extrême-droite.
Face à ce qu’elle considère comme le « tout-carcéral », Christiane Taubira met en œuvre en 2014 une réforme pénale qui prévoit l’instauration de peines alternatives à la prison. Elle s’oppose alors au ministre de l’Intérieur Manuel Valls.
Après les attentats du 13 novembre 2015, François Hollande propose de déchoir de la nationalité française les terroristes binationaux. Opposée à ce projet, Christiane Taubira démissionne en février 2016 et s’explique dans un tweet resté célèbre : « Parfois résister c'est rester, parfois résister c'est partir. Par fidélité à soi, à nous. Pour le dernier mot à l'éthique et au droit. »
Les tweets lyriques sont justement devenus la marque de fabrique de Christiane Taubira ces dernières années. Elle se sert volontiers de ce réseau social pour exprimer ses positions politiques dans un style très littéraire et en citant volontiers des écrivains français ou francophones.
Restée très populaire dans la gauche militante, Christiane Taubira s’est tenue quelques années en retrait de la vie politique malgré de nombreuses sollicitations des différents partis. Mais elle a soutenu la liste Place publique menée par Raphaël Glucksmann aux élections européennes de 2019.
Un mouvement de sympathisants a poussé l’ancienne ministre à représenter la gauche aux élections présidentielles de 2022. Taubira a accepté le défi à condition de ne pas être une candidate supplémentaire dans un paysage déjà très divisé. Fin 2021, elle se porte candidate à la primaire populaire, une initiative citoyenne visant à désigner un candidat de rassemblement pour la gauche, et déclare qu’elle en respectera le verdict.
Après sa victoire à la primaire le 30 janvier, Christiane Taubira est officiellement candidate. Elle défend un programme axé sur l’écologie, la santé et l’éducation, et qui prévoit une revalorisation des bas revenus.
Son soixante-dixième anniversaire sera sans aucun doute le dernier moment de répit de Christiane Taubira avant une campagne intense dans un contexte difficile. Qui se ralliera à sa candidature ? Quel résultat peut-elle espérer au premier tour ? Pour le savoir, rendez-vous le soir du 10 avril !